Chantal COUTURIER LEONI

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et des Biens

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De l’intérêt supérieur de l’enfant face au conflit des parents

Le 24 octobre 2011
De l’intérêt supérieur de l’enfant face au conflit des parents

Dans une décision rassurante, la Cour d’Appel de Versailles a récemment rappelé que l’intérêt supérieur de l’enfant primait sur les conflits parentaux.

L’enfant en âge de s’exprimer doit être entendu et sa parole vaut loi.

En quelques mots, voici les faits de l’espèce : mon client Monsieur B. avait divorcé en 2002 et le juge avait fixé la résidence de sa fille de deux ans en alternance chez le père et la mère, sur leur demande à tous les deux.

La petite Marie a grandi et a bientôt eu l’âge de quitter les bancs de l’école primaire.

En 2009, sa mère a fait une demande auprès du Juge aux Affaires Familiales (JAF) pour voir sa résidence habituelle fixée de manière permanente chez elle. Elle motivait ce changement par l’éloignement du domicile du père par rapport au collège où elle souhaitait inscrire sa fille.

Les relations entre les ex-époux étaient jusqu’alors cordiales ; la procédure engagée par Madame les a distendues. C’est ce qu’a retenu le JAF qui a ordonné une mesure de médiation familiale dans une décision avant dire droit - avant de dire le droit le juge a donné l’opportunité aux parties de se concilier. Il s’agissait de trouver un terrain d’entente concernant le choix du collège de Marie. Madame souhaitant le « meilleur » collège, Monsieur voulant pour sa part concilier deux critères : la qualité de l’enseignement ET un établissement à mi-distance entre les deux domiciles parentaux.

Et Marie dans tout ça ?

Elle avait exprimé au Juge l’envie de continuer à vivre chez ses deux parents de manière alternative, ce qui avait en outre été rapporté dans nos écritures.

La médiation n’ayant pas abouti à une décision concertée, le JAF a dû trancher. Il a rendu un jugement classique, fondé sur la jurisprudence constante qui considère que l’accord des parents est une condition essentielle du fonctionnement harmonieux du mode de garde tout particulier qu’est la résidence alternée.   

« Bien que les capacités éducatives des parents soient égales, et non contestées in fine, l’âge de Marie, qui entre de surcroît en classe de 6ème et a besoin de retrouver un équilibre stable dans le conflit de ses parents, justifie que sa résidence soit fixée au domicile maternel ».

Lorsque les époux se séparent, les parents aussi. De facto la situation familiale évolue et il devient alors impossible pour les enfants de vivre avec leurs parents, désormais aussi des ex-époux.

Quelles possibilités s’offrent alors aux enfants, parties malgré eux à ce litige ?

Leur résidence peut tout d’abord être fixée chez l’un des deux parents et des droits de visite et d’hébergement sont attribués à celui avec lequel ils ne vivent pas. En général il s’agit du fameux « week-end sur deux », accompagné parfois, selon l’âge et la disponibilité de l’enfant, d’une soirée ou journée dans la semaine (mardi soir ou/et mercredi).

La résidence alternée est une autre option. Cela pourra surprendre mais l’alternance présente plusieurs alternatives.

En effet, l’article 373-2-9 du Code civil prévoit seulement que :

« […] la résidence de l'enfant peut être fixée en alternance au domicile de chacun des parents ou au domicile de l'un d'eux […] ».

Il est donc laissé au juge le soin de déterminer au cas par cas les modalités de la garde alternée.

Dans 80 % des cas, la résidence est fixée de manière hebdomadaire. Mais tout est possible. Ainsi une alternance par quinzaine a été retenue par une cour d’appel (Cour d’Appel de Rennes, 13 mai 1996), et une résidence « un jour sur deux » a été fixée par un Tribunal (Tribunal de Grande Instance de Nouméa, 13 août 2002). Il est aussi des familles où ce sont les parents qui se déplacent au domicile conjugal, devenu la maison des enfants. Je n’encourage jamais cette configuration, que je trouve inconfortable et déstabilisante pour tous, petits et grands, voire malsaine lorsque les parents refont leur vie. On peut également fonctionner par mois, trimestres ; au-delà, l’alternance est plus difficile… Sont pris en comptes pour ce choix les données concrètes liées à l’enfant et aux parents : situation des domiciles, âge et centres d’intérêt de l’enfant, et bien sûr, l’entente des parents et l’intérêt de l’enfant.

Marie vivait une semaine chez son père, une semaine chez sa mère. Cette situation lui convenait ; fixée dès son plus jeune âge, elle n’avait pas le souvenir d’autre organisation et cela lui paraissait normal, habituel. Monsieur B., conscient de la volonté de sa fille de perdurer dans ce schéma, a décidé de faire appel du jugement ayant mis fin à huit ans de résidence alternée.

Marie a été entendue par un magistrat, conseiller de la Cour saisie de l’affaire. L’article 388-1 du Code civil donne en effet la possibilité au mineur capable de discernement d’être entendu par le juge dans toute procédure le concernant. Cette audition est de droit lorsque l’enfant en fait la demande expresse, ce qu’avait fait Marie.

Elle a exprimé le souhait de continuer la résidence alternée qui se passait très bien, après avoir rappelé qu’elle l’avait déjà dit au premier juge mais qu’il en avait néanmoins décidé autrement. Elle a aussi dit que la situation ne lui plaisait pas car elle ne voyait plus son père ; il lui manquait et elle avait fugué à deux reprises pour être auprès de lui. Elle voulait continuer à passer du temps avec ses deux parents et les enfants de leurs compagnons. Marie considérait que la résidence alternée présentait plus d’avantages que d’inconvénients ; l’une des difficultés de la garde alternée résidait selon elle dans la prise en charge de ses affaires scolaires, mais une bonne organisation palliait ce problème.

Dans ma plaidoirie, j’ai insisté sur l’importance que la Cour devrait donner à cette audition lorsqu’elle statuerait.

J’ai expliqué combien la décision du Juge de première instance était contraire à l’intérêt de Marie, bouleversée dans son équilibre.

Un équilibre installé de longue date, rendu possible par la disponibilité des deux parents et leurs efforts et par la bonne entente de Marie avec ses beaux-parents et leurs enfants.

Un équilibre dont la remise en cause était déjà lourde de conséquence car depuis que Marie vivait chez sa mère de manière habituelle, ses notes avaient baissé ; préoccupée par la situation, elle n’arrivait plus à se concentrer et avait fugué à deux reprises : elle avait perdu ses repères.

Malgré le conflit récent existant entre des parents qui avaient précédemment accepté le principe de la garde alternée, l’enfant qui s’épanouissait dans cette organisation était en l’espèce plus perturbé par une résidence chez un des parents que par un conflit d’adultes.

Quelques décisions avaient pris en compte le souhait de l’enfant presque majeur, dont l’âge et la maturité justifiait qu’il soit écouté (Cour d’appel d’Amiens, 13 juin 2007 ; Cour d’Appel de Reims, 19 septembre 2002).

Mais Marie avait seulement 11 ans, quelle valeur serait donnée à son ressentiment ? Elle avait assez de discernement pour être entendue, mais dans quelle mesure ses propos seraient ensuite appréhendés ?

La Cour d’Appel de Versailles a entendu Marie aux sens propre et figuré :

« Il n’apparaît pas contraire à l’intérêt de l’enfant de rétablir ce mode de résidence qui a été pratiqué pendant de nombreuses années à la suite de la séparation des parents sans qu’il soit fait état de difficulté particulière ;

Considérant que l’âge de l’enfant qui connaît et revendique ce mode de résidence en expliquant qu’il lui permet de profiter de la présence et de l’aide de ses deux parents, ne constitue pas un obstacle à celle-ci ;

Que dans l’intérêt de Marie, il convient donc, infirmant le jugement déféré, de fixer sa résidence en alternance au domicile de chacun de ses parents ».

Cette décision est rassurante car les juges (ré)affirment que l’intérêt de l’enfant est une notion, par nature, subjective : elle n’est pas une définition fixe mais doit s’appréhender au cas par cas.

L’idée selon laquelle le conflit entre les parents interdirait la mise en place d’une résidence alternée est battue en brèche par cette jurisprudence. L’intérêt supérieur de l’enfant résiste au conflit des parents.

 

 

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